Culture hors sol
Bibliographie
Chronique
Lancement: On commence l'émission avec Jean-Marie, qui va nous parler ce matin des évolutions annoncées de la production agricole mondiale.
Effectivement Jordan, j'aimerais faire le tour de quelques-unes des tendances que l'on voit émerger pour les prochaines décennies en terme de production agricole.
Et pour commencer, j'aimerais évoquer quelquechose dont on entend beaucoup parker ces dernières semaines. Il s'agit des fermes usines, ces énormes hangars automatisés et réglés avec précision pour accueillir des milliers de vaches. La récente publication d'une carte des 49 projets de ferme usine a fait grand bruit dans la presse généraliste. Pour les défenseurs de ces projets, qui se font assez silencieux je dois dire, il s'agit de produire à moindre coût, avec un minimum de personnel peu qualifié, et sur une surface la plus restreinte possible le maximum de lait et de viande. Il s'agirait ici d'optimisation de la production, suivant la voie de tous les secteurs d'activité qui ont vu leur métier évoluer durant le dernier siècle.
À l'opposé, les détracteurs de ces projets, avec en tête la confédération paysanne, dénoncent une industrialisation de l'agriculture, qui pour eux est en train de retirer aux exploitants passionnés les dernières libertés de produire des produits sains, du terroir, et respectueux de la nature.
Ces défenseurs du manger bien sont ceux qui nous alertent le mieux sur les questions d'écologie, soulignant notre impact écrasant sur le système complexe et fragile qu'est notre planète. Il existe d'ailleurs pour ça des outils pour mesurer la pression qu'exerce chacun d'entre nous sur la planète.
Relance 1: ah oui, j'ai déjà entendu parler de la notion d'empreinte écologique.
Exact. L'empreinte écologique consiste à mesurer pour une personne la quantité d'énergie nécessaire à ce qu'elle vive, la quantité d'eau ou encore d'hydrocarbure qu'elle consomme, pour se nourrir, pour se loger, s'habiller, se déplacer. Ce genre de mesure inclut par exemple la quantité d'énergie nécessaire à produire les matières premières, puis celle nécessaire à la transformation, et enfin au transport de ce qui deviendront nos aliments…
Pour rendre cette mesure plus parlante, on se demande ensuite combien de planètes seraient nécessaires pour faire vivre tous les humains de la terre s'ils consommaient pareil. Ainsi, une Européen qui prend la voiture tous les jours et consomme de la viande verra son impact compté par 2 ou 3 terres, quant un végétarien qui circule à pied s'approchera de 1,5 terres.
On l'aura compris, certains comportements permettent de réduire son empreinte écologique: consommer local et de saison, choisir des aliments peu transformés, s'équiper avec des appareils de seconde main, ou encore vivre dans une unité d'habitation bien isolée.
Relance 2: alors, pour revenir au sujet de ta chronique, quelles sont les évolutions de consommation qui vont dans le sens de cette réduction de l'empreinte écologique ?
Depuis quelques années maintenant, on voit se démocratiser des comportements de consommateurs qui vont dans ce sens. Par exemple, le développement des AMAPs favorise une agriculture de proximité et de saison, très souvent bio ou raisonnée, attentive à la consommation d'hydrocarbures. On peut aussi citer les démarches très intéressantes comme le Kilomètre zéro en Italie, avec lequel l'état italien a soutenu les producteurs et distributeurs en favorisant les circuits courts et très locaux. Consommer local et de saison, c'est un élément essentiel de ces démarches positives.
Relance 3: c'est donc en défendant cela que la confédération paysanne et ses partenaires dénoncent les fermes usines ?
Effectivement, les projets de ferme usines montrés du doigts vont à l'encontre de l'esprit de réduction de l'empreinte écologique. Cependant, d'autres projets émergent, portés par les contraintes démographiques, qui s'éloigneraient des productions agricoles traditionnelles tout en avançant vers une réduction de l'empreinte écologique.
Ces projets ont commencé à émerger doucement, sans réellement porter de nom. Souvent issus de démarches locales, ils répondaient à des besoins de relocalisation de la production alimentaire, dans un contexte où l'urbanisation de la planète explose. Rappelons qu'entre 2000 et 2030, l'espace urbain aura plus que triplé. Avec ces zones urbaines gigantesques qui commencent à recouvrir les continents, il devient de plus en plus coûteux de produire à la campagne, puis d'amener cette production à la ville. La solution est donc de ramener la production en zone urbaine.
Les premiers lieux à être investis ont été les toits des bâtiments urbains, c'est un comportement que l'on voit exploser, notamment aux États-Unis, en Amérique du sud et en Asie. Consommation de bobos dans les pays industrialisés, elle est une nécessité dans les pays émergents où l'urbanisation est tentaculaire… Et très souvent, ces fermes urbaines sont animées par des passionnés, qui explorent toutes les possibilités pour éviter le chauffage, les engrais, et pour régler au mieux leur fine horlogerie végétale. C'est en particulier en Asie, et notamment à Singapour que les systèmes ont commencé à se complexifier, là où la surface au sol devient une ressource rare.
Et petit à petit, on s'achemine vers l'idée de ferme verticale proposée par Dickson Despommier, professeur en santé environnementale et microbiologie à l'université Columbia à New York en 1999. Ce concept est depuis étudié et explorés par de nombreux scientifiques et passionnés, comme une solution pragmatique et écologique à l'hyper-concentration des humains et à la croissance exponentielle de la population. Il s'agit d'explorer les possibilités de production en zone urbaine, afin de rendre auto-suffisante les villes…
Et je terminerai par une note personnelle, avec un sujet de réflexion qui me tient à cœur: l'idée qu'avec ces techniques, on pourra peut-être un jour rendre à la nature des zones rurales plus vastes, en consolidant les parcs naturels, et en réduisant la présence des humains qui par leur aménagement du territoire (cultures, voies de circulation) font disparaître petit à petit toutes les autres espèces vivantes “non utiles”…
Relance 3: on a peu de temps ce matin pour développer ces idées, as-tu une référence à donner à nos auditeurs pour en apprendre plus sur les fermes verticales ?
Sur ce sujet, j'invite les auditeurs à visionner le troisième volet du documentaire Les villes du futur, diffusé sur arte au début de cette année 2015. Il présente les récentes avancées autour de ces fermes verticales.