Chronique au sujet de l'ingénierie biologique.
Dans le MUG du 3 novembre, Léo et Cyrile ont parlé de transhumanisme… Ils ont beaucoup évoqué les techniques électroniques, mais peu la question de l'esthétique, souvent associée à la modification corporelle. Ça me rappelle un numéro de Tracks de 2008, Corps mutants, où l'on voyait des langues transformées en langues de serpent, ou encore un homme à tête de chat…
Il n'y a pas que l'électronique qui permette d'étendre les possibilités du corps humain, de le soigner, de contourner ses limitations individuelles ou collectives. Ces gens qui explorent la modification biologique sont un exemple, mais les scientifiques aussi explorent les possibilités de modifications organiques…
Il arrive souvent que les machines humaines ne soient pas assez précises, petites, ou astucieuses pour résoudre un problème efficacement. Parfois, c'est même le coût qui fait choisir aux scientifiques des techniques qui utilisent la nature plutôt que de faire appel à l'électronique. On opte alors pour la biotechnologie.
Par exemple, l'émission Future du 8 novembre 2014 sur Arte présentait des techniques de nettoyage des sols pollués qui utilisent des plantes aux fortes capacité d'absorption des métaux lourds… Les scientifiques plantent ces arbres dans les zones polluées, les racines descendent dans les profondeurs des sols, et les plantes stockent dans leurs feuilles les métaux lourds, qu'il suffit alors de traiter…
Le même genre de mécanisme existe en santé. Les OGMs par exemple sont utilisés depuis 1981 pour traiter le diabète: au lieu de prélever de l'insuline chez des porcs comme c'était fait auparavant, on a modifié génétiquement une bactérie pour qu'elle produise de l'insuline… On la cultive en grands containers, ce qui permet de maîtriser cette maladie.
Jusqu'à présent, ces techniques pointues en biologie n'étaient là que pour produire des consommables… Mais depuis quelques années, on voit s'ouvrir de nouvelles possibilités. Je pense là à la greffe de cellule souches, ou à la thérapie génique. Le principe est similaire: on sait que la nature est un mécanisme extrêmement performant, alors on l'exploite astucieusement pour résoudre des problèmes qu'aucune puce électronique ou nanotechnologie ne pourra assurer.
Dans le cas des cellules souches, on exploite la capacité des cellules à s'adapter à leur contexte… Sans savoir vraiment comment elles font cela, on arrive donc à remplacer des cellules disparues par des cellules génériques qui font refaire fonctionner un organe par exemple…
La thérapie génique est encore plus impressionnante. On entre ici dans le cœur de la biotechnologie… Car l'idée complètement folle qui a émergé dans les années 60 et qui n'a réellement été opérationnelle qu'au début du XXIe siècle, c'est l'idée de modifier les gènes des cellules d'une personne malade, en utilisant pour cela un vecteur viral: c'est un virus, que l'on a ajusté, qui va aller faire le travail de remplacement au cœur des cellules malades.
Toutes les avancées en électroniques, les plus folles du monde, peuvent aller se rhabiller: c'est comme si on avait réussi à maîtriser une technologie alien pour entrer dans la vaisseau mère plutôt que de fabriquer notre propre fusée…
Dans l'émission du 3 novembre, on avait évoqué les problématiques de propriété intellectuelle des données qui étaient acquises par les extensions bioniques des humains… Dans le cas des biotechnologies, on est là encore une fois confronté à des problématiques similaires: les technologies utilisées par les firmes biotech s'appuient sur des patrimoines génétiques et biologiques (virus, adn, etc.) qui pourraient sembler universelles, mais qu'ils arrivent à breveter…