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Chronique musique

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Cette année, le festival Phil Grobi était encore une fois plein de surprises et de découvertes. Ceux qui ont assisté à la soirée de l'étrange ce dimanche 6 avril ont eu la chance, vers 23h, de quitter le Raymond's bar pour une excursion nocturne.

Après avoir suivi un cheval lumineux, les spectateurs flanqués de lampions ont pu découvrir une pièce d'Anne Ferret et Philippe Vincent. Interprétée sous le ciel étoilé, au bord d'une voie ferrée, cette pièce de théâtre contemporain traitait de sciences, de mystique et de musique.

Ce qui m'amène directement au sujet de cette chronique mathématique. Car si aujourd'hui l'on oppose facilement sciences et arts en un raccourci rapide, ce n'est que récemment que ces deux domaines se sont séparés. Les scientifiques ont en effet pendant longtemps été des musiciens. Pythagore déjà s'intéressait à comprendre la musique à l'aide des mathématiques. Au moyen-âge, les quatre ”arts mathématiques” étaient l’arithmétique, la musique, la géométrie et l’astronomie. Et aujourd'hui encore, certains compositeurs, notamment en musique contemporaine s'intéressent à exploiter les possibilités des mathématiques pour dépasser les codes et constructions existantes.

Mais quelles sont les raisons fondamentales du lien entre ces deux pratiques ? C'est Pythagore qui nous donne le premier une idée du lien entre mathématiques et note, en étudiant la variation d'un produit produit en faisant vibrer une corde tendue, de longueur variable. Il constate alors que deux notes séparées d'une octave sont produites par des cordes de longueur double l'une de l'autre.

En avançant avec les siècles, les scientifiques ont perfectionné leurs modèles physiques, reliant la fréquence d'oscillation à la note produite. C'est le père Marin Mersenne, savant et philosophe français qui définit pour la première fois au 17e siècle la formule reliant les différents paramètres de la corde vibrante. Au fil des découvertes, on commence à comprendre que deux notes semblent agréables à l'oreille si le rapport de leur fréquence est une petite fraction. Les vibrations correspondantes entrent en raisonnance l'une avec l'autre.

Une arithmétique complète peut ainsi être construite pour élaborer les différentes notes d'une gamme. En choisissant une première note de référence, on peut ensuite construire toutes les autres notes en utilisant des multiples ou fractions élémentaires de sa fréquence. Pour concrétiser ces calculs mathématiques, il suffit par exemple sur un piano d'accorder la tension de chacune des cordes pour qu'elle vibre à la fréquence choisie. Chose étrange, ces constructions ne sont pas uniques, et un instrument accordé suivant une de ces gammes ne le sera pas pour une autre gamme. De même, la fréquence de la première note choisie détermine pour beaucoup la sonorité de l'instrument: c'est son ton.

Pythagore d'abord, puis plus tard d'autres compositeurs comme Gioseffo Zarlino ont construit des modèles mathématiques de gammes, jusqu'à l'arrivée converger vers une construction de la gamme tempérée, qui offre de nombreux avantages en terme d'accords.

Si la musique classique puis actuelle a tendance à converger vers des modèles de sonorités bien établies et peu audacieuses, les artistes contemporains du XXe et XXIe siècle ont continué à explorer les possibilités des mathématiques dans la construction musicale. On peut par exemple citer les travaux de Stockhausen (stokaïzen) ou de Tom Johnson, qui se sont intéressés aux possibilités offertes par les mathématiques. Les musiciens de ce courant artistique ont étudié les objets mathématiques tels que les séries, ont exploré les possibilités de l'aléatoire, une notion fondamentale en mathématiques, ou encore ont étendu des résultats issues du traitement du signal et de l'informatique comme modulation de fréquence, la boucle de réinjection, la compression de spectres, ou la dilatation d'un son dans le temps.

Nombre de structures et d'objets mathématiques sont encore vierges de toute exploration musicale, ce qui laisse présager de nombreuses explorations passionnantes dans les siècles à venir, avec comme passerelle tous les terrains de jeux des mathématiques, depuis la physique des modèles oscillants jusqu'à l'arithmétique combinatoire.

Et pour finir cette chronique, je ne pouvais pas rater l'occasion de parler de pi, le sujet de ma première chronique. On connait tous les premières décimales de ce nombre: 3.1 4 1 5 9… Que l'on peut transformer en une série de notes, pour peu que l'on ait fixé un mode de transcription. C'est ce qu'a fait Michael John Blake, un musicien polyinstrumentiste, en transcrivant les 31 premiers chiffres de la série suivant la règle 1 pour do, 2 pour ré, 3 pour mi, etc.

Je vous propose donc d'écouter maintenant What pi sounds like, une interprétation de pi par Michael John Blake.