Chronique Gödel

Ressources

Structure

  1. Axiomes, théorèmes, etc.
  2. Histoire des mathématiques début XXe
  3. le théorème de Gödel
  4. explication de l'idée générale
  5. ce que ça implique
  6. l'informatique comme champs d'application (Turing, etc.)

Contenu

Depuis le début de ces chroniques mathématiques, j'ai eu l'occasion de vous raconter quelques-uns des moments importants de l'exploration mathématique humaine. Et si vous n'êtes pas fan de cette discipline, vous avez peut-être cru voir dans mes propos un espèce de sectarisme. Il arrive souvent d'ailleurs que les amateurs de l'approche scientifique considèrent ce modèle de pensée comme absolu, dans sa capacité à décrire le monde. Et parfois, cette conviction peut presque s'assimiler à une croyance religieuse. Car après tout, si vous croyez en la relativité d'Enstein, l'avez-vous un jour prouvée vous-même ?

Tiens d'ailleurs, ici dans les studios de Radio Campus, qui croit à la relativité d'Enstein ?

discussion

On l'aura compris, les sciences sont donc parfois assimilables à des croyances, sauf bien sûr pour les scientifiques qui maîtrisent les subtilités de leur domaine. C'est ainsi qu'à l'entrée du XXe siècle, les mathématiciens étaient convaincus qu'ils étaient en train de mettre en place des outils très puissants pour réussir à tout prouver, et que ce n'était qu'une question de temps.

Arrêtons-nous un instant sur cette idée. Les mathématiques ne sont pas une science de l'observation, comme la physique ou la biologie. Que signifie donc cette notion d'absolu développé par les mathématiciens ?

Pour répondre à cette question, il faut comprendre un peu mieux comment fonctionne la recherche en mathématiques. Puisqu'il ne s'agit pas de décrire par des modèles l'existant, c'est donc que les mathématiques constituent une construction purement abstraite. Pour schématiser, chaque sous-domaine des mathématiques commence par fixer quelques axiomes, c'est-à-dire des affirmations fondamentales (par exemple $A = B$ est équivalent à $B=A$). Ces axiomes sont la base de tout raisonnement. En les combinant avec un ensemble de règles logiques strictement définies, le travail du mathématicien consiste à construire successivement la suite des conséquences logiques de ces axiomes grâce à des théorèmes qui n'utilisent que les axiomes existants, les propriétés déjà prouvées, et les règles logiques existantes.

Est-ce que vous voyez le chateau de carte qui se construit sur les axiomes grâce aux règles logiques ?

discussion

D'accord. Et bien ce que pensaient les mathématiciens au début du XXe siècle, c'est que l'on disposait d'assez de savoir-faire mathématique et de culture pour réussir à prouver, étant donné un ensemble d'axiomes et de règles, toutes les propriétés vraies et fausses. Pour schématiser, tout chateau de carte peut être construit…

Mais en 1931, tout ce beau raisonnement s'effondre. Kurt Gödel publie un article aux retombées fracassantes, qui prouve que l'on peut construire des logiques dans lesquelles il existe des propriétés qui sont vraies, mais que l'on ne pourra jamais prouvées comme telles.

Cette découverte fondamentale a très vite été intitulé théorèmes d'incomplétude de Gödel. Car il prouve par les mathématiques que les mathématiques ne pourront jamais tout prouver ! Les conséquences sont incroyables pour les scientifiques de l'époque, qui étaient persuadés de la toute puissance des mathématiques.

Pour expliquer l'esprit de cette publication, il faut s'intéresser au concept de prouvabilité. La prouvabilité d'une propriété est avérée quand il est possible de la prouver mathématiquement à partir des axiomes choisis. La prouvabilité d'une notion est donc clairement fortement liée aux choix des axiomes. Mais ce que prouve le théorème d'incomplétude de Gödel, c'est que quel que soit l'ensemble d'axiomes choisis, il existe toujours une propriété vraie que l'on ne pourra pas prouver en partant de cet ensemble.

Vous voyez ce que ça implique ?

discussion

Ce résultat a fondamentalement bouleversé l'univers les mathématiciens, pour qui la toute puissance de la science viennait d'être mise à mal en ce début de XXe siècle. Alors chers auditeurs, gardez cette idée en tête quand quelqu'un vous affirmera que la science peut tout, et sait tout: Gödel a réussi la superbe performance de prouver grâce aux mathématiques que les mathématiques ne peuvent pas tout expliquer… En utilisant d'ailleurs un paradoxe.

Ce résultat fracassant a eu ensuite de nombreux échos, et ont été d'ailleurs pour beaucoup dans les réflexions en informatique théorique pendant toute la deuxième moitié du XXe siècle. Car le concept de prouvabilité peut encore se raffiner pour exprimer la notion de complexité, un élément clé en informatique. Dans une prochaine chronique, je vous raconterai donc comment les travaux d'Alan Turing ont initié ce qu'est aujourd'hui la science informatique, petite sœur de Gödel et de ses travaux fondamentaux en logique.

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